En industrialisant le meurtre de masse au nom du bonheur pour tous, les barges de Carrier dans l'estuaire de la Loire, les canonnades de Fouché à Lyon sur les colonnes enchainées "d'ennemis du peuple", et la guillotine dressée sur la place de la Révolution ont renversé la vieille anthropologie de la folie : après la Grande Terreur, l'aliénation mentale ne sera plus jamais une forme autre de l'humanité, elle devient consubstantielle au psychisme de l'être humain normal.
Philippe Pinel mais surtout Jean Marc Gaspard Itard se réfèreront explicitement dès 1802 aux exactions et aux excès de cette époque dont ils ont été, de façons différentes, les acteurs, pour affirmer que " l'homme est tout entier dans l'aliéné", ce qui implique réciproquement que l'aliéné soit tout entier dans l'homme.
Cette conception vraiment révolutionnaire imposera, deux générations plus tard, le vote de l'une des lois les plus solides de la République le 30 juin 1838, il y a 186 ans, décrétant la construction d'un hôpital dans chaque département pour les traitement des aliénés. Cette loi sera légèrement modifiée le 30 juin 1990.
À l'autre bout du XIXème siècle, et suivant un même retournement de la recherche des causes de la maladie, l'hystérie échappera enfin à sa prétendue origine utérine pour s'ancrer dans les constructions du psychisme. Freud, stagiaire dans le service de J.M Charcot en 1885, résumera cette conquête en un mémoire au titre d'oxymore qui fera scandale : " Sur l'hystérie chez l'homme", dans lequel les vapeurs utérines cèdent définitivement le place aux étiologies psychologiques.

Thierry GINESTE est psychiatre et historien de la psychiatrie (co fondateur de la Société internationale d'histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse. Il est auteur de nombreux travaux scientifiques notamment sur la psychiatrie juvéno-infantile ("Victor de l'Aveyron: dernier enfant sauvage, premier enfant fou")